LE
DISPOSITIF "ENTRESEUILS" : UNE EXPERIENCE NOVATRICE
Dr Didier MICHEL, CSST Alinéa, Le Havre (76)
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Le Flyer N°29, sept 2007
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Le
dispositif "Haut seuil" rediscuté |
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Le CSST du Havre,
porté par l’association ALINEA, a ouvert son
‘Centre Méthadone’ en 1995. Durant les
dix premières années, ce centre a proposé
essentiellement un programme dit de ‘haut seuil’.
Ce haut seuil d’exigence se fait sur :
- les conditions d’entrée,
- le suivi médico-psycho-socio-éducatif,
- le contrôle des consommations,
- la prise en charge des co-morbidités virales et
psychiatriques,
- les conditions de sortie en médecine de ville.
En 2005, ce programme haut-seuil a été rediscuté
pour plusieurs raisons :
- Une demande en croissance explosive qui met à mal
le cadre du ‘haut seuil’.
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Des critères d’admission au programme ‘haut
seuil’ qui, certes, induit une notion temporelle de
réflexion de la part de l’usager et de l’équipe
soignante mais qui ne conviennent pas à tous les usagers.
- L’ouverture d’un service spécifique destiné
aux 13 – 25 ans qui a contribué à accueillir
un type différent d’usagers de drogues.
- La place de plus en plus importante que prend le marché
noir des médicaments de substitution.
- L’existence de patients qui ne sont pas dans une démarche
d’abstinence mais plutôt de régulation
de leurs consommations et qui, de ce fait, ne s’approprient
pas le cadre de soins proposé.
- Une arrivée croissante d’héroïnomanes
de l’Europe de l’Est pour lesquels la barrière
de la langue nous pose problème pour le suivi de cette
population.
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L'Entreseuils
plus adapté |
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L’équipe
d’Alinéa a alors réfléchi sur la
façon de répondre à cette problématique
par l’installation d’un dispositif mieux adapté.
Nous avons alors ouvert un service nouveau pour les usagers,
un service au seuil d’exigence moins élevé,
sans être un ‘bas seuil’ dans le sens où
on l’entend habituellement, dont l’organisation,
par manque de moyens, était de toute façon impossible.
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Ce
service s’inscrit donc entre le ‘haut seuil’
existant et le vrai ‘bas seuil’.
Nous l’avons nommé : l’ENTRESEUILS
L’entreseuils est un dispositif spécifique. L’entreseuils
ouvre chaque jour du lundi au vendredi de 12 heures à
13 heures et le samedi de 11 heures 30 à 12 heures
30 à un moment où le service ‘haut seuil’
est fermé.
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Critères
d’admission et description du cadre |
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Les critères
d’admission sont les suivants :
- l’obligation
d’être majeur,
- le respect du règlement de l’institution,
- l’obligation de se soumettre à un examen
urinaire afin de confirmer la consommation d’opiacés.
(L’examen urinaire se fait par bandelette pour avoir
un résultat instantané),
- L’obligation de rencontrer un médecin du
centre dans les 48 heures qui suivent l’admission.
Donc, lors de
sa première venue à l’entreseuils, il
est demandé à l’usager un recueil des
urines. Si le résultat est positif aux opiacés,
une dose unique (40 mg) lui est proposée. Si le résultat
est positif à la buprénorphine, on ne lui
délivre pas de méthadone. Nous avertissons
l’usager de l’interaction qu’il existe
entre la buprénorphine et la méthadone et
lui proposons de revenir vers nous, dès qu’il
n’est plus, pharmacologiquement parlant, sous l’effet
de la buprénorphine. L’usager vient ensuite
chaque jour du lundi au samedi. Il est accueilli dans la
salle de dispensation par un binôme formé par
une infirmière et un éducateur spécialisé.
Le dimanche est le jour de fermeture du centre. L’usager
se voit délivrer le samedi matin une ordonnance pour
un flacon de 40 mg de méthadone qu’il va prendre
en pharmacie le samedi après-midi et qu’il
prendra le dimanche matin. Cette ordonnance n’est
délivrée que si la personne est venue au moins
les trois derniers jours de la semaine.
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En
dehors de cette délivrance pour le dimanche, aucune
prise de méthadone n’est faite hors du centre.
Lorsqu’un usager est absent plus d’un mois, un
nouvel examen d’urines est fait systématiquement.
Si un usager présente un état d’ivresse
dû à l’alcool ou des signes cliniques évoquant
une surconsommation de benzodiazépines, la méthadone
lui sera refusée.
L’accueil qui est fait dans la salle de dispensation
par le binôme infirmier et éducateur parait intéressant
dans le cadre de la réduction des risques. Ce double
accueil a pour objectif de créer un lien qui favorisera
la prise de contact avec l’équipe du CSST si
la personne envisage ultérieurement un autre mode d’accompagnement.
Une assistante sociale peut être sollicitée à
la demande de ce binôme.
Au cours de la délivrance de la méthadone, un
premier lien se fait ; les usagers parlent plutôt librement
de leurs consommations. Une tentative d’auto-évaluation
des besoins et de la gestion du manque est réalisée
à travers ce dispositif.
En quelques passages, une relation de confiance se crée,
les usagers font alors état de leur mode de vie, de
ce qui pose problèmes, des pratiques illégales
en relation avec leur dépendance, de leur santé…
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Un
lieu de réduction des risques à part entière
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Nous
constatons la venue sur ce dispositif d’une population
dépendante aux opiacés plus jeune et souvent
en grande précarité sociale. L’entreseuils
est un lieu de réduction des risques à part
entière.
En effet, on trouve dans la salle d’attente et la salle
de dispensation des préservatifs, des jetons de Distribox®,
des kits de sniff, une documentation sur les drogues ...
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L’infirmier
et l’éducateur répondent aux questions
et apportent des informations sur la réduction des
risques liés aux comportements qu’ils décrivent.
Un médecin est toujours à disposition pour étayer
ce travail, et notamment pour induire l’accès
à des dépistages de sérologies virales.
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Un lieu privilégié pour la demande de soins du
public jeune |
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L’entreseuils
devient ainsi un lieu privilégié de l’émergence
de la demande de soins pour un public souvent jeune pour lequel
l’accès aux soins n’est pas évident
en soi.
Dans le cadre de la gestion du manque et de leur consommation,
ils font également état de leur mode de vie.
En évoquant les pratiques illégales liées
à leur consommation, ils livrent une partie de leur
réalité le plus souvent tue.
C’est ici qu’ils peuvent prendre conscience des
risques encourus vis-à-vis de la loi, cela pose la
question de la prévention auprès des jeunes
usagers du point de vue pénal.
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Les
produits masquent la réalité et leur avenir
souvent difficile à construire quand il est semé
d’une succession d’infractions qui conduit le
plus souvent à l’incarcération. Le suivi
du CSST auprès des toxicomanes plus âgés
permet de visionner ces parcours jalonnés par des peines
de justice.
L’entreseuils a permis d’améliorer la visibilité
du ‘haut seuil’. En effet, pour les raisons déjà
décrites, le cadre du ‘haut seuil’ était
souvent mis à mal. L’arrivée de l’entreseuils
a permis d’y transférer tous les patients du
‘haut seuil’ qui ne respectaient pas le cadre
et de bien différencier, pour les usagers, deux cadres
différents.
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Le
paradoxe de l'Entreseuils |
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Tout dispositif a sa zone d’ombre. Celui de l’entreseuils
présente un paradoxe. Il veut faciliter l’accès
à la méthadone et se décline sous la
forme d’un dispositif rigide, extrêmement contraignant
pour l’usager. Toutefois, le contact est pris, les lieux
et les personnes sont identifiés. Ce dispositif ne
laisse pas l’usager indifférent.
Une nouvelle question commence à se poser : «
Doit-on faire un entreseuils à dose variable ? »
; il suffirait de garder le même dispositif tout en
proposant trois dosages différents (40, 60 et 80 mg).
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Au
Havre, l’appropriation de l’entreseuils s’est
faite rapidement avec succès notamment chez les 18/25
ans. Les usagers de l’entreseuils viennent avec l’intention
officielle de gérer à minima leur dépendance.
Néanmoins, la porte du CSST s’est ouverte et
les usagers, petit à petit, y trouvent bien plus, avec
notamment la possibilité de passer en ‘haut seuil’.
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