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DOSAGE DE L'EDDP URÌNAÌRE (MÉTABOLÌTE
DE LA MÉTHADONE)
PAR UNE MÉTHODE CEDÌA®
Intérêt dans le suivi des patients traités
par la méthadone
DENIS I.(1), ROUBILLE M.(2), POGGI B.(1), DJARDEM F.(3), TREPO
C(3)
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(1) Service de Biologie, Hôtel-Dieu, 1, place de l'Hôpital
- 69288 LYON Cedex 02
(2) Laboratoire de Biologie, Centre Hospitalier Pierre Oudot
- 38317 BOURGOIN-JALLIEU
(3) C.S.S.T., Hôtel-Dieu, 1, place de l'Hôpital
- 69288 LYON Cedex 02.
Le Flyer N°15, janv. 2004
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Introduction |
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La
méthadone est un médicament opiacé
largement utilisé en France dans le traitement de
substitution de la toxicomanie aux drogues opiacées.
En
France, la législation impose des analyses urinaires
régulières, en particulier la recherche de
la présence de méthadone dans les urines.
Le laboratoire de l'Hôtel-Dieu de Lyon assure le suivi
toxicologique urinaire des patients du centre de dépistage
et de prévention des toxicomanies, en particulier
le dépistage de la méthadone urinaire.
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Or,
pour certains patients adhérant correctement au traitement
selon les cliniciens, les recherches de méthadone
urinaire se sont avérées négatives.
Ceci nous a conduit à réaliser le dosage urinaire
du métabolite principal de la méthadone, l'EDDP
(2-éthylidine-1,5-diméthyl-3,3 diphénylpyrrolidine).
Le but de ce travail a été d'évaluer
l'intérêt du dosage urinaire de l'EDDP, comparativement
à celui de la méthadone, dans le cadre du
suivi des patients traités par méthadone.
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Matériel
et méthodes |
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462
échantillons urinaires provenant de 42 patients du
C.S.S.T ont été analysés. Pour chaque
urine, nous avons réalisé en parallèle
le dosage de la méthadone et de l'EDDP.
La
méthadone a été dosée par une
technique immuno-enzymatique de type EMITÒ (test
Syva EmitÒ d.a.u Ò Methadone de Dade Behring).
La
détermination de l'EDDP a été effectuée
avec la trousse CEDIAÒ d.a.u Ò EDDP (Microgenics).
Les seuils de positivité sont respectivement de 300
et 100 µg/ml.
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Les
résultats ont été exprimés en
µg/l ainsi que sous forme d'un rapport EDDP/méthadone.
Avant
analyse, on note pour chaque urine la transparence, la présence
de mousse, l'odeur, la couleur, et on mesure le pH (normales
entre 5 et 8) et la densité urinaire (normales entre
1,007 et 1,035), pour vérifier l'absence de fraudes
éventuelles.
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Résultats
et discussion |
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La
comparaison des résultats montre que 436 échantillons
sur 462, soit 94,4 % sont parfaitement corrélés.
Pour les urines positives en méthadone et en EDDP (92,5
%), les taux de méthadone sont compris entre 307 et
84000 µg/l, ceux de l'EDDP entre 185 et 51000 µg/l.
Les urines négatives en méthadone et en EDDP
(1,9 %) correspondent à des bilans d'inclusion, pour
être sûr que le patient n'est pas suivi dans un
autre centre de substitution, ou bien à un arrêt
du traitement.
Dans 5,6 % des cas (26/462) on observe des résultats
discordants :
- Dans 20 cas on met en évidence la présence
d'EDDP mais pas de méthadone.
- Dans 6 cas on met en évidence la présence
de méthadone mais pas d'EDDP.
Nous nous sommes plus particulièrement intéressés
à ces cas discordants :
1) Urines positives en méthadone négatives en
EDDP :
Ces résultats concernent quatre patients. Pour deux
patients, l'absence d'EDDP montre que la méthadone
n'a pas été ingérée et donc pas
métabolisée. De plus, le taux de méthadone
est très supérieur à celui retrouvé
dans les urines de patients correctement traités.
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Pour
ces patients, il y a eu probablement fraude, par ajout de
sirop de méthadone à une urine "propre",
pour masquer une prise d'héroïne par exemple.
En
mesurant uniquement la méthadone chez ces patients,
on aurait pu conclure faussement à une bonne observance
du traitement.
Pour les deux autres patients il s'agit probablement d'une
dilution volontaire des urines (densité urinaire
inférieure à 1,004), majorée par une
ingestion récente d'alcool.
2) Urines négatives en méthadone et positives
en EDDP :
Ces résultats concernent six patients, et correspondent
à des faux négatifs, en terme d'efficacité
diagnostique, pour le dosage de la méthadone.
Pour ces patients, nous voyons que le dosage seul de la
méthadone ne permet pas le suivi correct du patient.
En effet, au seul vu du résultat du dosage de méthadone
urinaire on peut penser que le patient ne suit pas son traitement,
ou qu'il s'agit d'urines émises par un tiers abstinent..
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Les
" faux négatifs " : hypothèses |
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Plusieurs
hypothèses sont envisageables. Il peut s'agir :
a) d'un métabolisme accéléré de
la méthadone. En effet, la méthadone est métabolisée
par les cytochromes P450 hépatiques, et on observe
des variations interindividuelles d'un facteur 1 à
7 suivant que le patient a un métabolisme lent ou rapide.
De plus, un certain nombre de médicaments, en particulier
les inducteurs enzymatiques, sont métabolisés
par les mêmes enzymes, et sont donc susceptibles d'augmenter
le métabolisme de la méthadone. Dans ce cas
la quantité de méthadone urinaire peut être
trop faible pour être détectable par un test
de dépistage urinaire et on peut s'attendre à
une augmentation du rapport EDDP/méthadone.
b) d'une diminution de l'excrétion urinaire de la méthadone.
En effet, la méthadone est une base faible (pKa = 8,6)
éliminée par filtration glomérulaire.
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Son
excrétion est donc pH-dépendante : un pH alcalin
retarde son élimination par augmentation de la réabsorption
tubulaire, un pH acide au contraire augmente son élimination.
L'élimination de l'EDDP, elle, n'est pas modifiée
par le pH urinaire.
c) d'une non-observance du traitement (oubli d'une prise
par exemple).
d)
d'une posologie administrée trop faible. Le dosage
de l'EDDP pourrait donc être une méthode plus
fiable que la recherche de méthadone, notamment en
fin de traitement, lors de la décroissance progressive
des doses de méthadone, pour vérifier l'observance
du traitement. Mais rappelons qu'il n'y a pas de corrélation
entre la dose de méthadone administrée et
les concentrations urinaires de méthadone et d'EDDP.
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Le
rapport EDDP/méthadone |
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Pour
chaque échantillon, nous avons comparé le
rapport EDDP/méthadone, ainsi que le pH urinaire,
à des valeurs de référence établies
à partir d'urines positives en méthadone et
en EDDP chez ces mêmes patients (moyenne pour les
6 patients confondus, soit un total de 59 urines). Le rapport
moyen EDDP/méthadone est de 2,93 ± 2,69. Le
pH urinaire moyen est de 6,62 ± 0,63.
Pour
cinq patients, on constate que le pH urinaire est supérieur
aux valeurs témoins (pH compris entre 7,4 et 8).
Pour ces patients, le rapport EDDP/méthadone est
significativement plus élevé que la moyenne
pour 7 urines sur 11 (rapport supérieur ou égal
à 10).
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On
peut expliquer ces résultats par une diminution de
l'élimination urinaire de la méthadone liée
au pH alcalin. Pour les urines dont le rapport est inférieur
ou égal à 10 l'interprétation semble
moins évidente.
Pour
le sixième patient (9 urines), nous n'avons pas trouvé
d'explication évidente (rapport EDDP/méthadone
et pH urinaire dans les valeurs normales). Pour ce patient
qui semble présenter un métabolisme particulier
il aurait été intéressant de réaliser
des dosages plasmatiques.
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Conclusion |
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L'EDDP
apparaît comme un marqueur plus fiable que la méthadone
dans le suivi des patients sous traitement substitutif par
la méthadone.
En
effet, l'excrétion urinaire de la méthadone
varie en fonction de nombreux paramètres (pH urinaire,
prise concomitante de médicaments, métabolisme
individuel, posologie).
De
ce fait, l'obtention d'un taux de méthadone inférieur
au seuil de positivité peut faire croire à
une non-observance du traitement chez des patients prenant
correctement leur méthadone.
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De
plus la mesure de l'EDDP permet la détection des
fraudes par ajout de méthadone, puisque seule la
méthadone sera retrouvée dans l'urine, sans
son métabolite.
Le
test CEDIAÒ d.a.u Ò EDDP de Microgenics est
une méthode simple et facile à mettre en œuvre,
dans un laboratoire de biologie polyvalente souhaitant développer
un secteur de toxicologie urinaire pour le suivi des patients
toxicomanes. Elle permet un rendu rapide des résultats
dans le service, qui correspond à l'attente des cliniciens,
ainsi qu' un dialogue efficace avec le patient.
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Références
bibliographiques |
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1.
Lardet G., Gagnieu M.-C., Pascal P., Moulsma M., Elchardus
J.-M., Vallon J.-J. Interprétation des dépistages
EMIT des patients sous méthadone. Toxicorama. 1997
; 9: 29-36.
2. George S., Braithwaite R.-A. A pilot study to determine
the usefulness of the urinary excretion of methadone and its
primary metabolite (EDDP) as potential markers of compliance
in methadone detoxification programs. J. Anal. Toxicol.
1999 ; 23: 81-85.
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3.
George S., Parmar S., Meadway C., Braithwaite R. -A. Application
and validation of a urinary methadone metabolite (EDDP) immunoassay
to monitor methadone compliance. Ann. Clin. Biochem. 2000
; 37: 350-354.
4. Bellward G. -D., Warren P. -M., Howald W., Axelson J. -E.,
Abbott F. -S. Methadone maintenance : effect of urinary
pH on renal clearance in high and low doses. Clin. Pharm.
Ther. 1977 ; 22: 92-99.
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