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LA MÉTHADONE, UN OUTÌL ?!
Texte collectif
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Dr Claude JACOB et Christophe SCHMITT, Intersecteur des Pharmacodépendances,
METZ
Dr Catherine CARON, ECIMUD Hôpital Européen G.
Pompidou, PARIS
Dr Joël DEVENDEVILLE, GT 02, St-QUENTIN
Dr Pierre BODENEZ, Service Intersectoriel 'Alcool-Toxiques',
C.H.U. BREST
Dr Didier BRY, ELSA, C.H. AVIGNON
Dr Michel DE DUCLA, RENAPSUD, BORDEAUX
Stéphane ROBINET, Pharmacien, STRASBOURG
Dr Elliot IMBERT, C.M.S. IVRY-SUR-SEINE
Dr Jean-Pierre JACQUES, Projet Lama, BRUXELLES
Dr Xavier AKNINE, CSST Gainville, AULNAY-S/BOIS.
Le Flyer N°13, sept. 2003
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La
méthadone : "ce n'est qu'un outil", dit-on |
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Il
est fréquent d'entendre ce propos : "la méthadone,
ce n'est qu'un outil dans la prise en charge des patients
pharmacodépendants aux opiacés".
C'est évident, la méthadone, ou tout autre
médicament de substitution, n'est pas à elle
seule le traitement d'un patient pharmaco-dépendant
aux opiacés, pas plus que le traitement de "La"
toxicomanie.
Sans une prise en charge globale, consistant en l'alliance
pertinente (et donc pas forcément systématique)
des soutiens nécessaires aux patients (psychologiques,
psychiatriques, éducatifs, sociaux,…), aucun
médicament, fut-il si difficile à obtenir
en certains lieux, n'est un remède magique à
une problématique trop complexe pour lui seul.
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"La
méthadone, ce n'est qu'un outil", c'est surtout
la répétition de ce message, et le caractère
insistant de cette répétition, comme un leitmotiv,
qui doit susciter la réflexion, et peut-être
une controverse.
Dit-on du travail de l'éducateur qu'il n'est qu'un
outil dans le processus de soins d'un usager de drogue ? Dit-on
de même du travail de l'assistante sociale, du psychologue,
ou de tout soin 'prodigué' au patient ?
Ni la méthadone, ni aucun autre élément
du puzzle constituant le soin d'un héroïnomane
ne méritent à notre sens, le qualificatif d'outil.
Il nous semble que ce sont des restes des combats idéologiques
qui ont précédé la "normalisation"
de son utilisation, en France notamment.
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La
méthadone est un médicament dont on peut apprécier
l'efficacité
sur des critères cliniques |
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La
méthadone est un médicament, qui répond
dans toute sa surface, aux règles de tout médicament.
Il
dispose d'une A.M.M. (Autorisation de Mise sur le Marché),
faisant état d'une indication, de contre-indications,
d'interactions médicamenteuses, de précautions
d'emploi, de données pharmacologiques, pharmacocinétiques.
Cette
A.M.M. a été obtenue sur la base de données
cliniques, attestant l'efficacité du médicament,
dans la limite de l'indication pour laquelle il est retenu
: "Traitement substitutif des pharmacodépendances…."
en l'occurrence.
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L'indication
n'est pas : "Traitement curatif et définitif
des héroïnomanes en mono-thérapie, sans
soutien médico-psycho-social, obsolète du fait
de la prescription de la méthadone". La méthadone,
(et il en est de même pour Subutex®), est un médicament
à part entière, prescrit par un médecin
(de façon plus ou moins adéquate, comme pour
tout médicament), accompagné par un suivi biologique
(contrôle de son métabolisme, répercussion
sur des résultats d'analyse biologique) propre à
beaucoup de traitements au long cours. C'est un médicament
dont le médecin apprécie l'efficacité
sur des critères cliniques tout au long du traitement,
ainsi qu'il apprécie les effets secondaires, voire
la perspective de l'arrêt de sa prescription.
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Pourquoi
cette réduction à la notion d' "outils"
? |
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Alors,
pourquoi cette propension à se dire entre soignants,
et à dire aux patients que ce n'est qu'un outil,
toujours qu'un outil, rien qu'un outil ?
S'agit-il de relativiser son impact, versus les autres modalités
d'interventions ?
Ne
pourrait-on pas admettre et défendre l'idée
(y compris auprès des candidats à en recevoir)
que c'est un médicament, qui agit sur la dépendance
aux opiacés, et plus précisément sur
les conséquences neurobiologiques de la consommation
chronique et abusive d'opiacés illicites et surtout
de son arrêt.
L'assistante
sociale qui aide un usager de drogue substitué ou
non, dit-elle au patient qu'elle n'est qu'un outil dans
sa prise en charge ? A-t-elle besoin de défendre
son statut d'assistante sociale qui aide à la resocialisation
? Non bien sûr. Son action, sa formation, son statut
suffisent à justifier sa qualification.
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Il
ne nous semble pas utile de faire croire que les médicaments
de substitution sont des panacées dans la prise en
charge des héroïnomanes, et il est vain, et
peut-être contre-productif de vouloir minimiser leur
aide et leur impact dans cette prise en charge.
A-t-on
déjà oublié les difficultés
pour suivre au long cours dans les centres de soins et les
cabinets de médecins, les héroïnomanes
trop peu nombreux à s'y rendre avant que les médicaments
de substitution n' y soient disponibles ? Se souvient-on
des taux de rechutes après les cures de sevrage,
quand elles étaient l'unique approche thérapeutique
possible ? Qualifiait-on les cures de sevrage et post-cures
comme des 'outils' ou comme des modalités thérapeutiques
? Juge-t-on indispensable de préciser avec autant
d'insistance, que les antidépresseurs, hypotenseurs,
antibiotiques, que l'on prescrit à des patients pour
lesquels par ailleurs d'autres soins et accompagnements
sont également utiles et nécessaires, ne sont
que des outils ?.
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Substitution
: une étrange retenue à parler de médicament |
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Méthadone
: outil !, aide !!, soutien !!!, béquille !!!!, rien
de tout cela. La méthadone est un médicament
de substitution, fabriqué par un laboratoire pharmaceutique,
prescrit par un médecin, sur une ordonnance et délivré
par un infirmier ou un pharmacien, à des patients,
dont la prise en charge nécessite le recours à
des assistantes sociales, des éducateurs, des psychologues,
des hépatologues et d'autres professionnels du soin.
Au pire, c'est un produit quand elle est achetée
sur le marché parallèle et "consommée"
en dehors d'un processus de soin. Pour les outils, les vrais,
c'est au rayon bricolage de Castorama.
Il y a peu de temps encore, on insistait sur le fait qu'il
fallait se comporter avec les usagers de drogue pharmacodépendants
aux opiacés en demande de soin, comme avec n'importe
quels patients.
Qu'en
agissant de la sorte, on augmentait les chances qu'ils se
comportent eux-aussi comme des patients, malgré des
demandes certes un peu particulières et des problématiques
multiples (familiales, juridiques, virales, psychologiques,
psychiatriques, sociales,…).
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Il
n y a aucune raison valable que, si pour certains d'entre
eux on ait posé l'indication d'un médicament
de substitution, on ne le qualifie pas comme tel. Que peut
bien justifier cette retenue à parler de médicament
lorsqu'il s'agit de méthadone (ou de Subutex®)
?
Alors, n'est-il pas nécessaire de donner enfin au
médicament de substitution ce statut légitime
de MEDICAMENT, pour qu'intervenants et surtout patients,
l'apprécient comme tel, et non pas comme un 'produit',
ou un outil.
Un
médicament avec son efficacité, ses limites,
ses contraintes, ses avantages, ses inconvénients.
Voilà
qui contribuerait à dé-stigmatiser un peu
plus la prise en charge des patients usagers de drogue,
et dépendants aux opiacés. .
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