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LA PRATIQUE DES METHADONEMIES
Dr Colette GERBAUD, CSST, C.H.U. de Nice
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Le Flyer N °8, juin 2002
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Méthadonémie
: Données scientifiques |
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Aujourd'hui,
la grande variabilité inter-individuelle dans le métabolisme
de la méthadone a parfaitement été établie.
Par ailleurs, un grand nombre de médicaments utilisés
dans la population des usagers de drogues, modifie le métabolisme
de la méthadone, en le ralentissant ou en l'accélérant
(psychotropes, médicaments du VIH, anti-tuberculeux...).
Il peut alors paraître pertinent de pratiquer, en seconde intention
à l'observation clinique, une méthadonémie résiduelle
(24 heures après la prise).
Les
valeurs de références sont les suivantes : Zone d'efficacité
thérapeutique : entre 200 et 400 ng/ml ; Zone d'inefficacité
: < à 100 ng/ml ; Risque de toxicité : > à
600 ng/ml
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Il
est d'usage de pratiquer des méthadonémies résiduelles,
soit 24 heures après la prise de la méthadone. Celles-ci
peuvent être couplées avec une méthadonémie
au pic (3 à 4 heures après la prise) pour apprécier
la pente d'élimination. Ces valeurs ne sont qu'indicatives de la
concentration sérique de méthadone, permettant d'évaluer
son métabolisme. Le seuil de tolérance aux opiacés,
variable d'un patient à un autre, peut conduire à un dépassement
de ces fourchettes. La littérature internationale fait état
de patients nécessitant des méthadonémies > 1000
ng/ml pour que le traitement soit efficace (disparition du craving, confort
du patient). Pour être interprétables, les méthadonémies
doivent être réalisées 1 mois après l'initiation,
et au moins 5 jours après la dernière adaptation posologique.
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Indications
de la méthadonémie |
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Les
indications de la méthadonémie sont nombreuses et devraient
permettre une adaptation des posologies sur des bases rationnelles et
scientifiques plus que sur des positions théoriques (posologie
de 60 à 100 mg, maxi 100 mg,..) ou idéologiques. Entre autres
indications de la méthadonémie, on peut citer :
- La grossesse, car elle entraîne des modifications physiologiques
et du métabolisme (1). On peut être amené alors à
augmenter la posologie et/ou changer le rythme de prise (2).
- L'induction d'une co-prescription modifiant le métabolisme de
la méthadone, ou l'arrêt de cette co-prescription.
- La persistance de la consommation d'opiacés ou d'autres substances
psychotropes (benzo, alcool,…), afin d'éliminer le diagnostic
de prises compensatrices chez un patient sous-dosé.
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Si
toutes les consommations annexes ne sont certainement pas la conséquence
d'un sous-dosage, il peut paraître pertinent d'étayer cette
hypothèse.
La demande du patient d'augmenter ou de diminuer la posologie sur des
bases irrationnelles…
La persistance d'effets secondaires à des posologies faibles.
Dans ce cas, la méthadonémie peut mettre en évidence
des métaboliseurs lents, qui sont de ce fait sur-dosés.
Pour ceux qui métaboliseraient la méthadone en plus de
24 heures, on pourrait espacer les prises (36 ou 48 heures).
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Eléments
bibliographiques |
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"Plasma
concentrations of the enantiomer of methadone and therapeutic response
in methadone maintenance treatment". Eap C.B., Baumann P., and
al. Arch Gen Psychiatry. Vol.55 Jan 98 :
Des études récentes ont permis de caractériser
les enzymes impliqués dans le métabolisme hépatique
et intestinal de la méthadone. Elles permettent de comprendre,
prévoir et prévenir la majorité des interactions
métaboliques impliquant la méthadone. Ces enzymes, de
la famille des cytochromes P 450, présentent une grande variabilité
dans leur activité, activité qui est déterminée
génétiquement et qui se trouve aussi sous influence environnementale.
Ceci explique en grande partie la forte variabilité interindividuelle
des concentrations de méthadone dans le sang pour une même
dose.
Dans
une étude effectuée sur 180 patients en traitement de
maintenance à la méthadone, les auteurs ont examiné
si un taux sanguin minimal de méthadone était associé
à une bonne réponse au traitement (déterminée
par l'absence d'opiacés illicites ou de cocaïne dans les
urines pendant une période de 2 mois).
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Dans
cette étude, ils ont mesuré les taux totaux de méthadone,
ainsi que les concentrations de sa forme lévogyre, c'est-à-dire
celle qui est active au niveau des récepteurs opiacés
(rappelons que la méthadone est commercialisée sous une
forme dite racémique, soit un mélange 50-50 de forme lévogyre
(active) et dextrogyre (inactive)).
Il a été démontré que des taux spécifiques
de méthadone totale et méthadone lévogyre étaient
significativement associés à une réponse thérapeutique
(comme prévu, aucune association n'a pu être trouvée
avec la forme dextrogyre). De plus, les auteurs ont également
pu montrer que la mesure de la forme lévogyre était plus
spécifique, et par conséquent plus utile que la mesure
de la forme totale.
Un
autre résultat extrêmement important est que pour obtenir
une concentration donnée de méthadone (250 ng/ml de L-méthadone
pour un patient de 70 kg, les doses théoriques peuvent varier
de 55 mg à 921 mg par jour, soit une variation d'un facteur 1
à 17).
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D'autres
études viennent ou ont confirmées ces données. |
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Haematic
concentrations versus oral doses of methadone. Comparative
assessment of two reference systems during substitute therapy
in opiate addiction. Salvatore and al., Heroin Add &
Rel Clin Probl 2001; 3(1):13-20
Les auteurs estiment que les concentrations sériques
de méthadone peuvent être utiles pour le suivi
des patients traités, notamment pour les convaincre
de l'intérêt de dosages adéquats.
When enough is not enough. New perspectives on Optimal
Methadone Maintenance Dose. Shindermann and al.;The Mount
Sinai Journal of Medicine. Vol 67 Nos 5&6. oct/nov 2000
Dans cette étude, les auteurs concluent que chaque
patient est un challenge clinique unique, et qu'il n'y a
pas de raisons de rechercher pour tous les patients un dosage
ou un taux sanguin identique.
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Les
signes cliniques, l'écoute du patient sur d'éventuels
signes de manque, et l'usage continu d'opiacés illicites
sont des indicateurs fiables pour rechercher la dose adéquate.
Celle-ci, dans l'étude, se situe dans une fourchette
de 120 à 700 mg/jour et est corrélée
avec des taux sanguins élevés.
NOTES :
1.
Véronique CAYOL et al, Grossesse et consommation de drogues psychoactives,
Annales de Médecine Interne 2000, 151, supplément B, B20-B26
2. Margaret A.E. JARVIS et al, Alterations in methadone metabolism during
late pregnancy, Journal of Addictive Diseases, Vol 18(4) 1999.
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