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L'USAGE DU CANNABIS CHEZ LES JEUNES
Docteur Younès GHARBI, CHI Clermont
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Des
études sur les prévalences de l’ensemble des consommations
de produits psychoactifs chez les jeunes, tel que le Tabac, l’Alcool,
le Cannabis, et les autres substances ont été faites en
France. Une étude ( Baromètre santé du CFES, Anonyme,
2000 ) révèle qu’un Français sur cinq (21,1%)
a déjà expérimenté le cannabis, c’est-à-dire
en a consommé au moins une fois au cours de sa vie. L’usage
au moins occasionnel ( au moins une fois dans l’année ) de
ce produit concerne 7,9 % des individus. L’usage répété
(au moins dix fois dans l’année) concerne 4,2%, et l’usage
régulier (10 fois par mois et plus) environ 1,5% de la population
générale.
Correspondances, Eté 2002
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Banalisation
de l’usage du cannabis |
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Cette
même étude montre aussi que la proportion des jeunes de 20
à 25 ans ayant consommé au moins une fois dans l’année
du cannabis est de 57% pour les hommes et de 31% pour les femmes. Une
autre étude réalisée par « l’OFDT »,
sur un échantillon de 13957 jeunes filles et garçons de
17 à 19 ans, donne les chiffres suivants :A l’âge
de 17ans, 41% des filles et 50% des garçons déclarent avoir
fumé au moins une fois du cannabis, tandis qu’à l’age
de 18 et 19 ans, ces chiffres sont de 55% pour les et 60% pour les garçons.
La plupart des enquêtes montre que la consommation cannabique débute
autour de 15-17ans. 50% arrêteront cet usage dans les 2 ans suivant
la première expérience.
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À
partir de la tranche d’âge des 30-35ans, la proportion des
personnes déclarant avoir au moins une fois consommé du
cannabis diminue rapidement, et que la proportion des personnes dépendantes
diminue avec l’âge (Kandel et Coll 1997).
Les données épidémiologiques (OFDT 2000) recueillies
en France, mettent en évidence que la consommation de cannabis
est très souvent associée à celle d’autres
produits psychoactifs licites comme l’alcool et le tabac. A 19 ans,
un garçon sur dix a un usage répété des 3
produits (Alcool, Cannabis Tabac). L’usage répété
d’au moins 2 produits concerne 23,4% de l’échantillon
(12,4% des filles et respectivement 23,4%, 28% et 34% des garçons
de 17, 18 et 19ans).
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Un marqueur
de prise d’autonomie et modèles parentaux |
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D’après
l’étude de l’INSERM 2001, plusieurs déterminants
peuvent être mis en avant, aussi bien pour l’usage d’alcool
et de tabac que de cannabis (ces 3 produits étant souvent associés) ;
le cumul de plusieurs facteurs produirait les situations d’usage
ou d’abus. 3 facteurs interviennent conjointement dans l’initiation
à la consommation : le contexte familial, la situation scolaire
et l’influence des pairs « camarades ». L’influence
du milieu familial est déterminée par le modèle social
représenté et transmis par les parents, d’une part,
et par la qualité des liens qui les unissent à leurs enfants,
d’autre part.
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On
peut distinguer deux modèles parentaux, l’un d’utilisation
de produits psychoactifs (alcool, cannabis ou tabac), l’autre d’abstinence
ou de régulation des consommations. Selon la qualité des
liens qui unissent parents et enfants, ceux-ci adopteront certains comportements
de consommation ou de relative abstinence, et ainsi s’écarteront
ou resteront proches du modèle proposé par leurs parents.
La consommation de produits psychoactifs par les parents induit de manière
importante la consommation de cannabis des enfants. Mais le fait que les
parents ne consomment pas de produits psychoactifs n’induit pas
systématiquement une abstinence chez les enfants.
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Influence
des pairs |
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L’école
est un autre facteur de transmission des modèles aux enfants. Une
adaptation réussie en milieu scolaire, qui traduit en partie à
l’intégration de normes sociales reconnues peut jouer sur
le comportement vis-à-vis du cannabis : Plus les jeunes ont
un bon niveau d’ajustement scolaire (mesuré à partir
des attitudes envers l’école ou les professeurs et à
partir des performances scolaires), moins ils sont susceptibles d’avoir
des relations avec des pairs utilisateurs de substances psychoactives.
L’abandon des études, de mauvais résultats scolaires
et un faible attachement à l’école peuvent induire
ou au moins inciter à une consommation de cannabis.
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À
partir de l’adolescence, l’influence des pairs va perturber
le modèle familial : l’initiation au cannabis se fait
le plus souvent de manière collective. Plus le cannabis est présent
dans l’entourage, plus son utilisation risque d’aller de soi.
On voit une remise en cause des valeurs transmises par les parents dans
la relation qui s’élabore avec les groupes de pairs. Cette
remise en cause se produit à la conjonction d’une prise de
distance par rapport à la famille et d’un rapprochement avec
les amis de même âge. Les jeunes opèrent progressivement
une sélection parmi les valeurs familiales comme parmi celles de
leurs pairs, pour constituer leur propre système de référence.
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Marqueur
de prise d’autonomie et rôles sociaux |
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L’étude
ne permet pas de caractériser l’initiation de l’usage
du cannabis comme un facteur de déviance. On pourrait là
qualifier comme un marqueur de prise d’autonomie. Il ne s’agit
pas de dire que l’initiation au cannabis correspond à un
stade « normal » du développement des jeunes,
mais simplement remarquer qu’elle est un des marqueurs parmi d’autres,
de la prise de distance des jeunes par rapport à leur famille.
Après l’initiation, la consommation régulière
de cannabis s’affirme comme un mode de réponse possible à
certaines situations difficiles, sans qu’il soit possible d’inférer
là un lien causal. Les situations de détresse psychique
(dépression, anxiété, difficultés interpersonnelles
et obsession) et de stress facilitent sans doute les usages de cannabis.
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Le
produit est alors utilisé comme anxiolytique auto prescrit. De
même les adolescents chez qui des déficits de compétence
sont constatés sont plus successibles de s’engager dans l’usage
d’alcool ou de cannabis et d’augmenter ensuite leur consommation.
L’usage se prolonge parfois au-delà de l’adolescence.
Cependant plus les jeunes adoptent des rôles sociaux conventionnels,
notamment par le mariage et la venue d’enfants, plus la probabilité
qu’ils cessent leur consommation est grande.
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Usages de
cannabis et insertion sociale |
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En
ce qui concerne les consommateurs adultes, on peut distinguer, d’une
part, des usagers ayant une intégration sociale « normale »
(leur consommation ne posant pas de problèmes apparents) et d’autre
part, des usagers ayant une moins bonne intégration et un usage
plus important.
Il est bien sûr impossible de conclure que la consommation de cannabis
puisse « expliquer » une moindre intégration
sociale. Mais il semble bien qu’une consommation excessive puisse
limiter l’adoption de rôles reconnus socialement, et il se
peut également que des conditions sociales défavorables
accentuent la consommation, celle-ci étant alors un moyen de faire
face à des conditions d’existences difficiles.
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Enfin,
les études de trajectoires des consommateurs de cannabis montrent
que l’abandon de la consommation concerne la grande majorité
des adultes après 30 – 35ans.
En France, l’étude (Baromètre santé du CFES,
Anonyme, 1998) sur 1087 personnes montre une proportion importante de
fumeurs de cannabis vivant d’une manière autonome (73%) et
disposant d’une insertion professionnelle (66%). L’étude
distingue parmi les fumeurs réguliers (56% de la population enquêtée),
les gros fumeurs (c’est à dire qui consomment plus de 10
joints par jour) qui restent très minoritaires (4% des consommateurs
réguliers). Ces derniers sont le plus souvent des hommes, célibataires,
et plus âgés que la moyenne de l’échantillon.
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Cannabis
et dépendance |
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Une
étude faite aux USA (Anthony et HELZER, 1991) indique que la prévalence
de dépendance liée à la consommation de cannabis
est de 4,2% dans la population de 15 – 54ans. A titre de comparaison,
il convient de retenir que 14% présentent une dépendance
à l’alcool et 24% une dépendance au tabac. Parmi les
usagers de cannabis (46,3%) qui ont consommé au moins une fois
du cannabis, 9,1% sont dépendants au cannabis. A titre de comparaison
on retiendra que, parmi les consommateurs de tabac (75,6% de l’échantillon)
32% sont dépendants au tabac, et parmi les consommateurs d’alcool
(91,5% de l’échantillon), 15,4% sont dépendants à
l’alcool.
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Parmi
les usagers de cannabis, 12% d’hommes et 5,5% de femmes développent
une dépendance (Anthony et Coll, 1994).
L’association fréquente de la consommation de cannabis avec
celle de l’alcool et de tabac à l’adolescence, voire
plus tard, montre que le cannabis répond au même modèle
que les 2 autres produits, et qu’une prévention des usages
intensifs du cannabis, de l’alcool et du tabac pourrait s’opérer
d’une manière conjointe.
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Bibliographie : |
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ANTHONY
et HELZER 1991.
ANTHONY et COLL 1994.
KANDELL et COLL 1997.
Baromètre Santé du CFES Anonyme 1998.
Baromètre Santé du CFES Anonyme 2000.
INSERM, le Cannabis, 2001.
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