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TEMOIGNAGE
: L'ARRET DE LA METHADONE
Dr Marie-Laure DE SEVERAC, Marseille
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Le Flyer N° 18, novembre 2004
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Introduction |
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En
2004 plus qu'avant, parce que peu à peu la toxicomanie
et les toxicomanes ont changé, la prise de drogue
s'apparente d'abord à une tentative d'automédication
d'une psychopathologie, un moyen de prendre de la distance
vis-à-vis d'une enfance détruite, ou aux deux.
La
toxicomanie est moins une recherche de plaisir, qu'une tentative
d'évasion, de détoxification du monde.
L'objectif du soin aux toxicomanes
ne saurait donc se limiter à obtenir l'arrêt
ou une meilleure gestion de prises anarchiques et nocives
de substances psychoactives.
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Il
faudra aussi aider le patient à apprivoiser sa souffrance,
ou à traiter sa pathologie psychiatrique. Cela suppose
un accompagnement médical et éducatif.
Il
faudra encore l'accompagner vers l'autonomie, ou mettre
en place un soutien suffisamment contenant à long
terme.
Tout
cela demande beaucoup de temps.
La méthadone accompagne
et facilite grandement ce lent processus. Elle pacifie les
prises de produits, apporte un peu de calme dans une vie chaotique,
offre des conditions propices au soin.
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Quand
entamer la décroissance puis l'arrêt de la méthadone
? |
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Ainsi,
l'arrêt de la méthadone
-
Ne sera jamais un objectif dans la prise en charge de la
toxicomanie, simplement la conséquence de son évolution
favorable
-
Ne doit jamais intervenir prématurément
Quand
entamer la décroissance puis l'arrêt de la
méthadone ?
Les
patients sentent fort bien quand ils peuvent se passer de
l'aide de la méthadone.
Mais
il n'est possible de déterminer ce moment avec le
médecin, que si un lien de confiance durable a pu
être établi, et si la notion d'alliance thérapeutique
est bien comprise par les deux partenaires.
Lorsque
la tentative d'arrêt est prématurée,
la décroissance des doses est difficile et douloureuse.
Elle risque fort de déboucher sur la reprise de la
toxicomanie ou sur une alcoolisation de substitution. Bien
souvent la seule solution consiste alors à revenir
rapidement à la posologie initiale - ce qui sera
souvent vécu par le patient comme un échec.
En revanche, lorsque le moment est bien choisi, que le patient
« sent » qu'il peut se passer à terme
de méthadone sans risque, décroissance et
arrêt sont indolores, voire faciles.
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Comment
diminuer puis arrêter la méthadone ?
Les
conditions de l'arrêt de la méthadone dépendent
des caractéristiques pharmacologiques de la molécule
:
-
Sa demi-vie est longue. Les signes de sevrage apparaissent
donc plus tardivement, mais surtout de façon très
durable, jusqu'à 2 mois pour certains sujets.
-
Elle a un pouvoir agoniste µ puissant, et le patient
a gardé pendant son traitement le niveau de dépendance
qu'il avait acquis au cours de sa période de toxicomanie.
Il
est donc à mon sens très difficile de pouvoir
proposer un sevrage au cours d'une hospitalisation, sauf
peut-être quand des posologies très faibles
sont atteintes.
Le plus souvent, nous préférons
proposer un sevrage ambulatoire, qui permet aussi d'accompagner
progressivement le patient dans le changement de son économie
interne et dans l'idée qu'il va « vivre sans
»..
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En
pratique : |
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Diminution de 10 mg par mois jusqu'à 30 mg
-
Diminution de 5 mg par mois jusqu'à 20 mg
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Diminution de 2,5 mg par mois jusqu'à 10 mg
-
Et enfin, diminution de 1 mg par mois
Bien
entendu, ces modalités doivent être adaptées
à chaque patient. Il ne saurait y avoir de recette
unique. Le « mois » est une mesure subjective.
Il peut durer 15 jours ou plusieurs mois selon les patients.
Quelques
règles simples :
-
Attendre 15 jours après le rétablissement
d'un état de confort satisfaisant pour diminuer à
nouveau la posologie. Le manque se manifeste habituellement
par des crampes, des lombalgies, un besoin perpétuel
de mouvement, souvent une asthénie, et bien sûr,
une anxiété accrue.
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La sensation de manque n'est pas 'dans la tête'. Elle
est réelle, et insupportable à terme.
-
La phase la plus difficile du sevrage se situe entre 5 mg
et 0 mg. Elle peut être prolongée, il faut
la respecter. Certains patients restent longtemps à
5 mg ou moins, voire même indéfiniment. Le
médecin doit s'efforcer de les rassurer, ce n'est
pas toujours aisé.
Pour
mesurer 1 mg de méthadone, on peut s'aider des pipettes
graduées délivrées avec les psychotropes
en gouttes. Il est utile d'en avoir en stock pour pouvoir
les donner aux patients.
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30 gouttes correspondent à 1 mg de méthadone
dans les conditionnements des flacons de 10 ou 5 mg (pas
dans ceux de 40 ou 60 mg, qui sont plus concentrés),
- 15 gouttes correspondent à
½ mg de méthadone.
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En
guise de conclusion |
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Un
sevrage réussi est un sevrage indolore
Un
sevrage réussi est un sevrage accompagné
Un échec de sevrage n'est
pas un échec
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Un
sevrage définitif est parfois impossible, ce n'est
pas grave ! (mais le patient est rarement d'accord) Souffrir
ne sert à rien.
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