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HEPATITE C, SOINS ET REDUCTION DES RISQUES,
Dr Gilles NESTER, CSST Rivage, CH de Gonesse
et Emmanuel MEUNIER, CSST RIVAGE
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La deuxième
conférence latine de réduction des risques (Perpignan-Mai
2003) a été un espace d'échanges très
riches, où nombre de sujets ont été abordés.
La question du développement de l'épidémie
d'hépatite C dans la population des usagers de drogues
(UD) a été un sujet majeur de réflexion.
La réduction des risques (RdR) peut se prévaloir
de succès importants dans la lutte contre le sida,
la mise à disposition de matériels stériles
et la diffusion de messages de prévention ayant modifié
les comportements des usagers de drogues.
Ce succès contraste avec les difficultés de
la RdR dans la lutte contre l'hépatite C.
Correspondances, Eté 2003
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Epidémiologie
du VHC chez les usagers de drogues |
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Le
Dr Julien Emmanuelli de l'Institut national de Veille Sanitaire
(InVS) a présenté les résultats de l'étude
épidémiologique "coquelicot" (2002,
Marseille) auprès d'usagers de drogues injecteurs.
Cette étude confronte les données déclaratives
recueillies auprès des UD à des résultats
de tests biologiques auxquels les UD acceptaient de se soumettre.
D'autre part, les UD acceptaient de renouveler leur rencontre
avec les enquêteurs sur une période d'un an,
afin d'étudier l'évolution de leur statut sérologique
dans le temps. S'agissant du VIH, 22% sont séropositifs,
toutes les personnes contaminées ont plus de 30 ans
et elles ont connaissance de leur statut sérologique.
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Par
contre, s'agissant du VHC, 72,6% de l'effectif est séropositif
au vu des tests biologiques alors que seulement 51,6% se déclaraient
séropositifs (26% avait pris connaissance de leur statut
sérologique au cours d'un dépistage "passif"
effectué au cours d'une hospitalisation, d'une grossesse
ou d'une incarcération). Le taux de contamination élevé
des moins de 30 ans (43%) laisse supposer des contaminations
très rapides après le début de l'usage,
peut-être même lors de l'initiation à l'injection
avec des UD plus âgés (90% de prévalence
chez les + de 40 ans). L'étude longitudinale sur l'année
a établi un taux séroconversion au VHC de 11%.
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Pourquoi
cet échec relatif de la réduction des risques
? |
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Le
Dr Julien Emmanuelli confronte ces données à
d'autres données épidémiologiques.
Le nombre d'UD est évalué, pour la France,
à 170.000-190.000 personnes dont 50% auraient des
pratiques d'injection.
Si
70% d'entre elles sont séropositives, il y aurait
entre 24.000 et 40.000 usagers de drogues injecteurs séronégatifs.
Si le taux d'incidence du VHC est de 11% sur une année,
il y aurait entre 2.700 et 4.400 nouveaux cas tous les ans.
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Comment
expliquer ce contraste entre les réussites de la
politique de RdR en matière de lutte contre le sida
et cet échec en matière de lutte contre le
VHC ?
La
nature même du virus du VHC, sa virulence, explique
pour partie la diffusion du virus, mais c'est le mode de
vie de l'UD qui explique bien mieux cette vulnérabilité.
La prévention doit passer par une modification des
comportements d'usage et par des changements en matière
de politique des drogues.
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L'usage
collectif du coton |
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Si
le principe du non partage des seringues est entré
dans les mœurs, le partage du matériel annexe
d'injection (cuillère, eau, coton) reste assez fréquent.
L'usage collectif d'un même coton par plusieurs UD
utilisant chacun leur propre seringue stérile est
une situation à risques. Le VHC, qui survit dans
une quantité minimale de sang et dans des milieux
humides, pourra en effet infecter le coton et se transmettre
aux autres utilisateurs.
Pourquoi
les UD partagent-ils le matériel annexe, et en tout
premier lieu un coton ? Le Dr Elliot Imbert du CMS d'Ivry
observe que le coton, utilisé comme filtre pour éliminer
les impuretés contenues dans les produits, retient
aussi une certaine quantité de substance psychoactive.
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La
réutilisation du même filtre, transforme celui-ci
en un "réservoir" où des substances
psychoactives s'accumulent. Les "résidus"
de ces shoots s'accumulent et permettront à l'UD
de se faire un nouveau shoot. Les stratégies de RdR
doivent donc axer leur message sur les risques liés
au matériel annexe et se traduire par le développement
de nouveaux outils.
Le
Dr Nicolas Bonnet, pharmacien à Apothicom (société
qui a développé le Stéribox®) a
fait part d'études et d'expérimentations en
vu de créer un "filtre à usage unique"
(qui pourrait prochainement compléter les trousses
de prévention existantes).
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Evolutions
des protocoles de soin |
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Le
deuxième facteur de transmission est un manque d'information
des UD et des réticences à aller se faire dépister.
D'après l'étude "coquelicot", 92%
des UD sont conscients que le VHC est une maladie grave et
77% pensent qu'elle peut être efficacement traitée.
Les résistances, invoquées lors d'entretiens,
sont liées à des craintes autour du protocole
(biopsie, abstinence alcool,…). Les UD semblent méconnaître
les évolutions des protocoles qui se sont considérablement
allégées:
Le traitement de l'hépatite C repose sur l'association
d'interféron pégylé et de ribavirine.
Les différentes étapes de la démarche
diagnostique et thérapeutique ont été
établies dans les conclusions d'une Conférence
Nationale de Consensus qui s'est déroulée sous
l'égide de l'ANAES en février 2002.
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Le
bilan préthérapeutique permet de discuter
l'indication thérapeutique, il comporte en particulier
une mesure de la charge virale, la détermination
du génotype viral et une ponction biopsie hépatique
(PBH); examen indispensable dans la plupart des cas, la
PBH permet de faire un bilan lésionnel et de mesurer
le degré de fibrose qui est le paramètre essentiel
pour le pronostic et la décision thérapeutique.
Pour
les génotypes 2 et 3, les plus sensibles au traitement,
il est possible de ne pas proposer la PBH, l'indication
thérapeutique est certaine, avec les meilleures chances
de guérison.
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Accès
précoce aux soins |
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La
surveillance du traitement, son efficacité, peuvent
être évaluées par la charge virale (PCR).
La durée du traitement varie de six à douze
mois selon le génotype et l'efficacité de la
réponse. Ces protocoles thérapeutiques, bien
conduits, avec une adaptation posologique plus fine, permettent
de minimiser les effets indésirables, les pus fréquemment
cités par les patients étant l'asthénie
et l'amaigrissement.
La situation sanitaire des UD vis à vis du VHC est
particulière à plus d'un titre: il s'agit d'un
groupe qui continue de se contaminer, sa population est jeune
par rapport à l'âge moyen des patients atteints
par le VHC, le diagnostic est souvent précoce dans
les premières années d'évolution, les
génotypes les plus sensibles à la bithérapie
sont plus fréquents dans cette population.
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Ces
différents points sont autant d'arguments pour privilégier
l'accès aux traitements pour les UD qui, lorsqu'ils
sont stabilisés et peuvent suivre un traitement dans
de bonnes conditions, ont les meilleures chances de guérison.
Paradoxalement,
ces patients sont encore trop peu nombreux à bénéficier
de ces possibilités, les obstacles à la prise
en charge sont multiples depuis la réalisation d'un
premier test de dépistage jusqu'aux craintes concernant
le protocole thérapeutique.
Les
UD se disent généralement bien informés
sur les risques et la gravité de l'hépatite
C, il faut développer encore les campagnes de dépistage
et les actions de prévention.
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L'accompagnement
du soin |
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Il
faut aussi que les praticiens coordonnent davantage leurs
actions, incluant une prise en charge psychologique qui
apporte un soutien utile pendant les phases de préparation
et de suivi du traitement.
Cette
phase d'accompagnement pour la prise en charge de la maladie
joue un rôle crucial pour le bon déroulement
de ces traitements qui gardent encore la réputation
d'être longs et pénibles pour un bénéfice
immédiat qui n'est pas directement visible pour le
patient mais qui est de la plus grande importance pour le
pronostic à long terme.
Enfin, le risque pour l'UD de se recontaminer après
un traitement a été exposé par le Dr
Xavier Aknine du Réseau Aulnay 93. Le Dr Aknine a
présenté le cas d'un patient guéri
d'une hépatite C de génotype 3 qui s'est ensuite
recontaminé avec une hépatite C de génotype
IA.
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Le
troisième facteur est le développement de
l'usage pernasal de la cocaïne.
Les
pailles sont parfois profondément enfoncées
pour limiter le risque qu'une partie du produit soit "perdue"
en se collant sur les cloisons nasales. Ceci favorise des
hémorragies, facteurs de transmissions en cas de
prêt de paille. Un projet de "Kit sniff"
est à l'étude. La diffusion de la cocaïne
dans le milieu rave pourrait faciliter la contamination
de population plus jeune.
Par
ailleurs, des pratiques telles que le piercing et le tatouage
sont aussi facteurs de risques.
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Risques
en milieu carcéral |
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Le
quatrième facteur de contamination lié au mode
de vie de l'UD est la fréquence des incarcérations.
Les transmissions en milieu carcéral ne sont pas évaluables,
puisque la drogue est censée ne pas circuler dans les
prisons. L'existence de programmes d'échange de seringues
dans des prisons européennes et la mise à disposition,
en France, de petits sachets d'eau de Javel (dont tout le
monde sait qu'ils sont destinés aux UD incarcérés)
suffit à établir qu'elle circule. La rareté
des seringues en prison facilite leur échange, mais
d'autres modes de contaminations liés à l'indigence
et à la promiscuité de la vie carcérale
sont en cause.
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Le
Dr Anne Iten a rapporté une expérience de
prévention et de dépistage du VHC dans une
prison vaudoise (Suisse). Outre les seringues, la pratique
des tatouages, les prêts de rasoirs usagés
ou d'autres objets personnels semblent en cause.
Ajoutons
les risques liés à des rapports sexuels traumatiques
et à certaines infections sexuellement transmissibles
qui fragilisent les muqueuses. Dans les prisons, les préservatifs
ne sont pas disponibles, officiellement, pour éviter
la "stigmatisation" de leurs éventuels
utilisateurs par des homophobes.
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Conclusion |
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La
prise en charge de l'hépatite C et sa prévention
est un enjeu majeur de santé public. Le rapport de
Professeur Daniel Dhumeaux, de l'Hôpital H. Mondor
à Créteil, estime, que toutes populations
confondues, qu'il y aurait 5.000 nouveaux cas par an et
que 1% de la population française serait infectée.
4 personnes contaminées sur 5 développeraient
une hépatite chronique.
Avec
10.000 cas tous les ans, la cirrhose est devenue la troisième
cause de mortalité chez les hommes. Aujourd'hui les
hépatites post-transfusionnelles sont exceptionnelles
et le risque nosocomial réduit grâce à
la diffusion de matériel à usage unique et
à la mise en place de règles de désinfection
du matériel médico-chirurgical.
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"Le
risque principal de transmission reste la pratique de l'injection.
Il ressort des projections établies par l'étude
"coquelicot" qu'il pourrait y avoir, en France,
entre 59.500 et 66.500 UD contaminés et qu'il y aurait
entre 2.700 et 4.400 nouveaux cas par an. Les UD forment une
sorte de "réservoir " pour ce virus, dont
la virulence, appelle une vigilance au-delà de la population
toxicomane. La récupération des seringues usagées
est plus que jamais nécessaire, des services de pédiatrie
canadiens ayant établi que le risque de transmission
du VHC était de 0,8% chez des enfants qui s'étaient
piqué en jouant avec des seringues trouvées
dans la rue. Les conjoints des UD sont exposés à
des risques liés à des prêts d'objets
de la vie quotidienne (rasoir, brosse à dent, coupe
ongles…)..
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