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PETITE HISTOIRE DU CRACK
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Fabrication et histoire ; ou
comment une politique d'embargo US
a contribué
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l'apparition de ce produit dans les années 80.
Correspondances, Hiver 2002-2003
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Petite
histoire du crack |
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Le
crack est un dérivé de la feuille de coca,
qui à son état naturel, contient peu de cocaïne
(0,5%).
La
cocaïne qu'elle contient est d'ailleurs favorablement
modifiée par la présence d'autres substances
végétales et elle reste d'une faible nocuité
quand elle est mastiquée à la manière
des amérindiens. Ainsi consommée la cocaïne
ne pénètre que lentement et en faible quantité
dans le sang.
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La
cocaïne-base, précurseur la cocaïne, est
obtenue après le séchage de la plante et son
"infusion" dans un bain de kérosène,
produit très volatile, qui transforme l'agrégat
de feuille en un bloc d'aspect pierreux et de couleur brune.
Le traitement de la cocaïne-base avec de l'acétone
et de l'acide chlorhydrique permet d'obtenir le chlorhydrate
de cocaïne. Traité à son tour avec de l'éther,
le chlorhydrate de cocaïne est transformé en cocaïne
"free base".
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Comment
une politique d'embargo prépare une guerre |
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Dans
les années quatre-vingt la C.I.A. pense avoir trouvé
le moyen d'éradiquer la consommation de cocaïne
: elle obtient une politique d'embargo de l'éther
et de l'acétone vis-à-vis des pays d'Amérique
latine. La pénurie d'éther et acétone
conduit les trafiquants à proposer un produit tiré
d'une cocaïne-base retraitée avec de l'ammoniaque.
Ce produit conservait l'aspect pierreux et brunâtre
de la cocaïne base : le crack.
Les usagers de drogues qui, les premiers, fumèrent
ces "cailloux" les baptisèrent "crack"
en raison des crépitements que produisait la combustion
des résidus de kérosène. Le crack produit
un effet de " flash " qui provoque un plaisir
bref et intense et il génère des effets stimulants
pendant une dizaine de minutes. La "descente"
plonge dans un état d'angoisse et de dépression
qui incite à une nouvelle consommation.
Durant les années quatre-vingt la consommation de
"crack" prit l'allure d'une véritable épidémie
dans les quartiers pauvres des grandes villes américaines.
La cocaïne, raréfiée, devient la drogue
de prédilection des classes supérieures. Le
"crack" produisit des désastres sanitaires
majeurs, notamment en terme de maladies pulmonaires, de
troubles neurologiques dus aux effets vasoconstricteurs
de ce produit et de ses effets addictifs majeurs ; sans
parler des crack babies nés de mères toxicomanes.
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Les
dégâts sociaux furent énormes, accélérant
la paupérisation des quartiers noirs notamment. Le
crack aggravera les problèmes d'insécurité.
Le crack se développe sur fond de misère. Les
regains de croissance économique se traduisent toujours
pas une baisse de l'usage du crack.
Ce désastre social et sanitaire conduit, dans les années
quatre-vingt-dix, le gouvernement américain à
radicaliser sa politique anti-drogue. Tout d'abord en généralisant
une " guerre à la drogue " qui consiste principalement
en une politique d'incarcération massive des usagers
de drogues. Les Américains multiplient des programmes
méthadone qui tiennent plus de la distribution au guichet
que du suivi médical. Enfin, les USA mènent
une politique d'assistance militaire, non dénuée
d'arrières pensées politiques, aux gouvernements
en lutte contre des "narco-guérilla" (principalement
le "Sentier lumineux" au Pérou et les "FARC"
en Colombie) qui prélèvent un "impôt
révolutionnaire" sur un trafic qui génère
une toxicomanie locale et qui ruine ces pays (l'argent "blanchi"
par les banques occidentales étant réinvesti
en Europe et aux Etats-Unis). Ils renversent aussi le "narco-dictateur"
panaméen Noriega… qui faisait preuve de fermeté
sur la question de la rétrocession du canal de Panama.
Au prix d'une guerre sociale et internationale, la consommation
de crack régresse aux USA.
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Apparition
du Crack en Europe |
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Les
trafiquants se tournent alors vers d'autres marchés,
en particulier, européens.
Ils
écoulent d'abord de la cocaïne à meilleur
marché, et depuis peu du crack, rebaptisé
"rock" (nom américain).
Cette
promotion du produit sous une autre appellation ne vise
pas seulement à faire oublier la mauvaise réputation
du crack des années quatre-vingt.
Elle
rend compte du fait que le crack actuel est fabriqué
différemment. Il est obtenu par une transformation
du chlorhydrate de cocaïne avec du bicarbonate de soude
et une opération de chauffage qui produit une cristallisation.
Cependant certains dealers ajoutent de l'ammoniaque qui
potentialise les effets du crack et en accroît la
toxicité.
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Les
usagers de drogues trouvent dans le "crack" plusieurs
"bénéfices" : lorsqu'un usager fume
de la cocaïne dans une cigarette il absorbe 1% du principe
actif, le reste est détruit par la combustion. Le fumeur
de crack consomme, lui, 80% du principe actif. Ce rapport
effet recherché/quantité explique la faiblesse
du prix du crack. Le nouveau crack permet d'écouler
une partie de la production de cocaïne vers des populations
pauvres tout en conservant à la cocaïne sa rareté
et sa cherté. L'amélioration au plan qualitatif
du nouveau crack induit aussi sa diffusion dans des milieux
sociaux aisés. Le crack est vendu sous la forme d'une
"galette" que l'on peut briser en trois à
cinq parties appelées "kifs". Quand un bout
est si petit que l'usager ne sait comment il parviendra à
le fumer, ce bout s'appelle une "angoisse".
A chacun ses angoisses… .
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